Le couple à l’épreuve de l’infidélité-La thérapie de couple aide à surmonter la tromperie

Malgré le choc de la découverte, la colère et la culpabilité, certains parviennent à protéger et même renforcer leur lien amoureux.

« Un traumatisme. » Marie-Hélène Simard, psychologue clinicienne de l’université Laval à Québec et auteur de La Rupture amoureuse (Éditions Eyrolles) ne mâche pas ses mots pour qualifier le choc inhérent à la découverte d’une infidélité dans des couples qui « n’avaient aucune raison d’en arriver là ». Elle s’étonne cependant des statistiques qui confirment que l’infidélité est loin d’être le premier motif de séparation dans son pays. « Et elle n’apparaît qu’au septième rang des sources de conflit entre les partenaires, loin derrière les problèmes de communication ou les conflits de valeurs ! », relève la thérapeute. Facilement balayée et digérée, l’incartade de Monsieur ou la tocade de Madame ? Pas sûr. « Un sondage Sofres de 2010 révélait que, pour 77% des personnes interrogées, la fidélité conditionne la réussite de leur couple, rappelle Jean-Paul Sauzède, psychothérapeute et auteur avec son épouse Anne Sauzède-Lagarde de Créer un couple durable (Éditions Dunod).

Pas étonnant donc que l’infidélité reste un important motif de consultation. » Mais pour ceux qui acceptent de la considérer comme un révélateur du mal-être de leur union, qui sont prêts à relever leurs manches et à faire baisser leur niveau d’orgueil pour s’en sortir, la tromperie, si préjudiciable à l’entente des partenaires, peut être dépassée. Le facteur « temps » est alors le premier enjeu à prendre en compte.

« Il m’a fallu bien plus d’un an pour commencer à retrouver confiance en mon mari, raconte Patricia, qui avait découvert au hasard d’une plongée dans l’ordinateur familial que celui-ci l’avait trompée sur une longue période. Pendant des mois, et malgré toutes ses promesses de fidélité retrouvée, je n’ai pu m’empêcher de fouiller dans ses affaires ou de surveiller son agenda. J’étais dévastée…»

Se relever du traumatisme, traverser les sentiments de colère, de rancoeur et d’abandon chez le trompé, ou l’inconfort de la culpabilité et de la honte chez le trompeur, et dépasser les images obsédantes de « mari cocu » et de « femme trompée » sont des processus émotionnels qui demandent beaucoup de temps et retardent l’établissement d’une nouvelle confiance.  Mais peut-on y parvenir sans aide ? « Quand le couple souffre ainsi, l’espace de la thérapie permet de “déplier” la crise, de soutenir chaque partenaire dans son chagrin ou sa honte, justifie Jean-Paul Sauzède. Nous nous sommes rendu compte que les thérapies individuelles amenaient plus de séparation, alors que traiter le couple s’avère efficace.»

Soigner son couple

Durée du traitement requis ?

«Une petite année, soit de 6 à 10 séances, précise Anne Sauzède-Lagarde. Le couple mérite bien ça, si on a envie de rester ensemble. Mais attention, une thérapie réussie peut aussi déboucher sur une séparation réussie ! » Quels sont les éléments qui laissent penser que les partenaires en souffrance se relèveront d’une calamité telle que la tromperie et le non-dit sur plusieurs mois ?  « L’amour tendre et l’amitié, affirme Alain Delourme, psychothérapeute. C’est cela qui fait tenir un couple, bien plus que le droit de jouissance revendiqué partout. »

Autres ressources indispensables :

la capacité à se parler en profondeur et à oser mettre à plat leur histoire commune, l’évolution de leur lien. « Lorsque les partenaires acceptent de revisiter leur contrat et leur engagement, une grande partie du chemin est faite », ajoute Jean-Paul Sauzède. Ainsi Patricia et son mari ont dû s’avouer qu’effectivement leur relation manquait d’érotisme et d’une sexualité libérée qu’ils avaient pourtant connus au début de leur histoire d’amour. Et ils ont dû réfléchir aux moyens de changer cela dans leur vie quotidienne. « À chaque couple sa nouvelle loi à établir », estime Anne Sauzède-Lagarde. Réfléchir, mettre à plat, se faire des aveux, redéfinir son engagement… Une démarche bien difficile quand on est ravagé par de grands sursauts émotionnels.

« C’est pour cela que je recommande toujours de ne pas prendre de décision importante avant six mois au moins après la découverte de l’infidélité », précise Marie-Helène Simard. Une précaution que suit aussi Alain Delourme avec les couples qu’il accompagne. « La confiance ne peut se construire que sur des bases renouvelées. Les partenaires doivent reconsidérer ce qui va mal et aussi ce qui va bien entre eux. Puis, je leur demande de réfléchir jusqu’à la séance suivante – qui n’a souvent lieu que quinze jours plus tard – à la question essentielle : “Se séparer ou rester ensemble, qu’est-ce qu’on fait ?” S’ils n’y parviennent pas, on remet ça encore de quinze jours. Et enfin, lorsqu’ils sont prêts, je les invite à déclarer avec précision ce qu’ils veulent faire de leur avenir… ensemble ou pas. » Après deux ans de ce bouleversement intérieur et de séances de thérapie, Patricia affirme que son compagnon et elle ont pleinement retrouvé le goût de s’aimer.

« La sexualité est devenue centrale dans une relation conjugale »

Éric Smadja est psychiatre, psychanalyste, thérapeute de couple et anthropologue. Il vient de publier Le Couple et son histoire (PUF).

Le Figaro – Comment définir l’infidélité aujourd’hui ?


Éric Smadja. – Dans nos sociétés occidentales modernes, le terme d’infidélité renvoie essentiellement à des relations sexuelles mais aussi affectives à l’extérieur du couple et venant bouleverser celui-ci, justement parce que la sexualité est devenue centrale dans une relation conjugale. Ce n’était nullement le cas auparavant. Le couple, marital, était une union légitime procréatrice, nullement née d’un libre choix, participant à la reproduction sociale. C’était aussi une forme de coopération économique visant à créer et à entretenir une famille. Les Romains, par exemple, avaient inventé, à côté du mariage officiel décidé par la famille, le concubinat, une union moins solide déterminée par un désir mutuel. À cela, l’Église opposera sa conception du mariage unique. Plus récemment, dans les mariages bourgeois du XIXe siècle, il était entendu que Monsieur pouvait avoir des relations sexuelles extraconjugales, mais surtout cachées (le bordel servait à cela). Avec l’émergence du mariage d’amour, le couple cesse de devenir une simple unité de reproduction pour devenir un lieu de satisfactions multiples, affective et sexuelle, notamment.

Vous affirmez d’ailleurs que ce couple contemporain subit de fortes pressions. En quoi ceci pourrait-il expliquer ce que vous appelez les « actings extraconjugaux » ?


Aujourd’hui, les partenaires attendent beaucoup de leur couple: celui-ci doit être tout à la fois un lieu de sécurité, de solidarité, d’affection, de satisfaction sexuelle…! Ajoutez à cela qu’il doit permettre à chacun d’être valorisé, « conforté narcissiquement », à l’heure même où l’épanouissement personnel est essentiel.

Et du fait de l’allongement de vie, ces couples devraient durer de plus en plus longtemps ! On peut se demander si certaines infidélités, bien plus qu’elles ne sont des trahisons envers le partenaire, ne sont pas plutôt des manières d’échapper au danger d’un couple invasif avec sa dimension symbiotico-fusionnelle menaçante.

Selon vous, l’infidélité sexuelle peut donc avoir différents sens ?


L’infidélité est toujours polysémique, multifonctionnelle et ses causalités multiples. La sexualité étant aussi un langage, que veulent donc dire ces actings extraconjugaux ? Pour celui qui ne se sent plus valorisé dans son couple, avoir des relations sexuelles à l’extérieur est une « solution » possible de revalorisation. Pour d’autres, qui considèrent que le contrat intellectuel et/ou affectif réalisé avec leur conjoint n’est plus respecté, ce peut en être une autre. De même, la recherche d’un accomplissement personnel entravé par l’autre peut déterminer une « infidélité » justifiée par la fidélité à soi-même.

Y a-t-il des motifs encore plus inconscients ?


Bien sûr, en étant infidèle, on fait symboliquement entrer un tiers dans le couple, et cela renvoie au « trio oedipien ». Les fantasmes inconscients vécus face au couple parental de son enfance sont alors réactivés chez chacun des partenaires, de même que la blessure narcissique inhérente au sentiment d’impuissance infantile.

Article écrit par Par Pascale Senk – Le Figaro

http://madame.lefigaro.fr/societe/sexualite-devenue-centrale-dans-relation-conjugale-260911-178035

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